Pourquoi ?
La respiration est une fonction naturelle, la plupart du temps inconsciente ; c’est un acte finalement banal, et pourtant vital. Dès la naissance, notre respiration naturelle varie pour s’adapter aux circonstances de la vie. Elle est altérée par une série de facteurs liés à notre histoire -éducation, stress, maladies, chocs émotionnels…- Nous avons ainsi développé une habitude respiratoire, plus ou moins efficace, un schéma automatique auquel nous revenons spontanément jusque dans notre sommeil.
Ainsi quand par exemple nous conseillons à quelqu’un de respirer sans donner davantage de précisions, cette personne va spontanément et inconsciemment respirer plus profondément mais toujours suivant son schéma habituel. Cette réaction n’est pas forcément la plus appropriée à la situation.
Pourtant rien n’est figé : les mêmes mécanismes qui ont ancré une habitude peuvent être utilisés volontairement pour en forger une nouvelle : Cette rééducation est possible grâce à notre plasticité cérébrale et musculaire.
Éduquer la respiration implique de bien comprendre son fonctionnement, de savoir analyser les habitudes respiratoires pour déterminer ce qui doit être modifié, à travers quel entraînement, pour un retour à une habitude respiratoire le plus proche possible de la respiration naturelle.
« Inspiration » est un mot qui porte une connotation positive. Dans le domaine de la respiration il est le mouvement qui nous emplit d’oxygène et donc de vie. « Expiration », en revanche, est associé au souffle qui vide et même à la mort -dernier soupir-.
Or c’est l’expiration qui correspond à la phase de détente de la respiration. L’expiration est provoquée par la remontée du diaphragme. S’il bloque et ne remonte pas assez, on a une expiration incomplète, qui provoque une respiration « thoracique » superficielle, plus rapide, avec augmentation du rythme cardiaque. Cet effet est démultiplié lors de situation stressantes ou angoissantes : On a alors une sensation de manque d’air, que l’on cherche à compenser en essayant d’inspirer plus, empêchant encore l’abaissement de la cage thoracique à l’expiration, qui reste inachevée. C’est un cercle vicieux qui non seulement a des effets immédiats -hyperventilation, tachycardie…- mais aussi des effets à long terme, dans la mesure où cette expérience est engrammée par le corps et construit la -mauvaise- habitude respiratoire.
Les effets négatifs à long terme du blocage du diaphragme sont nombreux :
• Troubles digestifs par compression des organes (constipation, ballonnements, douleurs abdominales chroniques, ...)
• Tachycardies ; de la même façon le péricarde est attaché par des ligaments au diaphragme et à la paroi thoracique et cervicale. Si son attache inférieure est attirée par le bas, cela entraînera un étirement de celui-ci qui peut engendrer des palpitations.
• Mauvaise adaptation à l’effort
• Douleurs cervicales
• Troubles du sommeil
• Migraines, troubles de l’attention
• Insuffisance du retour veineux par défaut de « pompe diaphragmatique » lié à la réduction de l'amplitude des mouvements
• Douleurs cervicales
• Relâchement des muscles abdominaux et pelviens
• Lombalgies ; les piliers du diaphragme tirent sur ses insertions lombaires entraînant un phénomène de lordose
Observations de vingt ans de pratique
En tant que pédiatre pneumologue, je suis confrontée régulièrement à nombre de symptômes dus aux mauvaises habitudes respiratoires :
Les enfants ou adolescents ont des difficultés à ne pas paniquer lors d'une crise d'asthme, qui est en plus aggravée par l’effet contre-productif d'une respiration anarchique
Certains enfants ou adolescents ne ressentent plus « objectivement », hors période de crise, leur état respiratoire.
Cela a pour conséquence soit une majoration de leur sensation de gêne respiratoire, engendrant alors des prises excessives de Ventoline, soit à l'opposé un retard à ressentir l’arrivée de la crise, qui provoque par conséquent un retard de leur prise en charge.
On voit fréquemment des toux psychogènes traduisant des tensions notamment des voies aériennes supérieures.
On trouve aussi des dyspnées d'effort qui ne sont la plupart du temps, une fois l'asthme éliminé, que la traduction d'une hyperventilation et d'une respiration désynchronisée, et cela conduit souvent à de petits psychodrames avec des malaises, un appel des pompiers, la crainte d’une maladie grave...
C'est ce que l'on appelle les " Troubles fonctionnels respiratoires ou troubles somatoformes"
Rééduquer la respiration
Peu de sensations proviennent de notre thorax, en comparaison de celles de la bouche ou de la main. C'est pourquoi nous ne faisons que peu de cas de notre sensation ventilatoire -sensation des mouvements respiratoires et des muscles sollicités-. Par exemple, il est très difficile de ressentir le travail de son muscle diaphragmatique.
Il devient donc nécessaire d'éduquer la « sensation respiratoire ». Il est possible de travailler sa respiration en profondeur, de la remodeler comme le potier pour obtenir un nouveau mode de respiration plus « efficace ».
En entraînant les muscles impliqués, ceux-ci gagnent en souplesse et en force, ce qui augmente l'amplitude de la respiration. La position du diaphragme s'améliore non seulement parce qu’il devient plus souple, mais aussi parce que la respiration devient plus lente de par l'allongement du temps d’expiration. Au repos, le diaphragme se tient plus haut, ce qui a l'avantage non seulement d'améliorer la qualité de la respiration mais également de réduire la compression de l'abdomen.
Au-delà du travail musculaire, un travail de posture dans l’espace est fondamental pour que notre respiration se place naturellement bien. Les postures d’inversion dans le yoga permettent de diminuer la fréquence respiratoire et de de trouver naturellement les bénéfices de la cohérence cardiaque.